#12 Qui veut son numérique sans bug doit éteindre son ordinateur

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement
Et les mots pour le dire viennent aisément
– Boileau, dans l’Art poétique

On s’imagine souvent qu’une solution numérique est une fin en soi. On passe une commande et on est censé recevoir dans les plus brefs délais une solution parfaite qui convient à nos besoins et qui nous satisfera pour la vie. C’est une erreur de penser ainsi. Même Microsoft, quand elle lance la nouvelle version d’un logiciel, sait qu’il sera plein de bugs et que c’est au fil du temps et des mises à jour que le produit deviendra meilleur. Parce qu’une solution numérique n’est pas un produit final. C’est un work-in-progress, une œuvre à peaufiner avec le temps.

Imaginez donc les solutions (sites Web, logiciels, etc.) qui sont faites sur mesure comme autant de projets fraîchement lancés. Tant de choses peuvent se produire tout au long du développement. Il y a tout d’abord la formulation des besoins. 

Quand un entrepreneur dit : „je veux un site Web” ou „je veux un logiciel”, il sait ce qu’il veut, mais il ne sait pas quelle forme cela peut prendre. C’est au fil du temps, lors des présentations de maquettes, qu’il découvrira ses attentes. Il aimera telle couleur et pas l’autre, telle fonctionnalité et pas l’autre. Le projet en est alors à ses premiers balbutiements. Il doit encore se définir.

De part et d’autre, l’exercice peut être frustrant. Le client racontera que le fournisseur n’arrive pas à voir dans sa tête, tandis que le fournisseur se dira que le client ne sait pas ce qu’il veut. C’est facile, à cette étape, de blâmer l’autre au lieu d’aller de l’avant.

C’est ici que s’impose une valeur importante. Celle de la patience. On aimerait que ce soit terminé au moment où on lance le projet, mais ce n’est que le départ d’un tango qui prendra son temps. Deux pas en avant, un pas en arrière. C’est ainsi qu’on avance.

Arrive ensuite la mise en service. C’est le temps de demander aux utilisateurs comment ils aiment l’interface. Certains adoreront. D’autres auront des commentaires qui dévoileront des besoins qu’on avait ignorés jusqu’à maintenant. 

Ces besoins nouvellement découverts, si on souhaite se distinguer de la concurrence, il faudra les intégrer à notre nouvelle plate-forme.

Tout cela est normal. Un projet numérique, c’est quelque chose de dynamique, de vivant. On découvre les besoins à mesure qu’on progresse. Et c’est au fil des expérimentations que le propriétaire découvre la solution qui lui permettra de se démarquer.

Mais il s’agit d’un édifice fragile auquel il faut des fondations solides. Le simple fait d’améliorer une fonctionnalité sur un aspect peut provoquer des impacts négatifs ailleurs. Alors, il faut bidouiller, améliorer et mettre au point. C’est bien entendu qu’on préférerait passer par une ligne droite pour se rendre du point A au point B parce que c’est le chemin le plus court entre deux points, mais c’est rarement le cas. C’est plutôt un chemin en spirale qui s’impose ici. Il y aura des moments où on aura le sentiment d’avoir progressé et d’autres où se demandera si on se dirige dans la bonne direction. À ce moment, il faut s’assurer qu’on est avec les bons partenaires et qu’on partage le même objectif, aussi diffus soit-il.

Et puis arrivera un jour où vous pourrez tous annoncer que la mission a été accomplie et il est probable qu’à ce moment, le résultat final ne ressemblera pas du tout à ce qu’on avait envisagé au départ. Fort d’un cumul de compromis, la solution aura changé de visage mais elle répondra aux exigences et les utilisateurs s’y sentiront bien. Ils auront le sentiment d’être compris quand ils entrent en contact avec vous. Ils auront accès aux fonctionnalités auxquelles ils s’attendent des meilleurs fournisseurs. Ils n’auront rien à redire.

Cela donnera un élan à vos ventes et votre croissance sera positive. Votre entreprise passera à un autre niveau. Le travail aura un impact positif sur votre PME et vous serez fier que la croissance que vous connaîtrez.

Mais qui dit croissance dit nouveaux défis. Et avec les nouveaux défis arrivent de nouveaux besoins. Cette nouvelle plateforme dont vous étiez si fier sera rapidement trop petite pour vos besoins et il faudra la revoir, l’ajuster et ajouter quelques fonctionnalités.

À ce moment, le cycle reprendra. Non pas parce que le travail précédent n’était pas à la hauteur. Il l’était au moment de sa création. Mais il ne suffira plus à vous donner l’élan nécessaire pour passer, un peu plus tard, à une nouvelle étape et à rester à la fine pointe des besoins de vos clients, autant internes qu’externes.

En ce sens, votre plateforme numérique n’est pas très différente de vous. Tour à tour, vous êtes passé de l’enfance à l’adolescence puis à l’âge adulte. À chaque étape, vos défis ont changé. À chaque carrefour, vous avez pris des décisions et développé de nouveaux savoirs, de nouvelles habiletés. Vous ne vous êtes jamais dit que ce que vous aviez appris à six ans ne vous servirait plus. Au contraire, ça vous servira toute votre vie. On construit sur le savoir accumulé.

Ce qui importe pendant tout ce processus, c’est la patience et la complicité. La patience parce que ça ne sert à rien de s’imaginer que tout sera parfait dès le premier jour. La complicité parce que votre expert digital doit pouvoir compter sur une communication franche et sincère avec vous à chaque tournant. Partagez vos attentes. Faites-lui part des innovations apportées par vos concurrents. Demandez-vous ensemble comment ces idées pourraient être intégrées à votre stratégie actuelle (et si elles méritent de l’être).

Au bout du compte, votre site Web et vos logiciels vous ressembleront. Ce ne seront pas de simples solutions génériques, des produits en tablettes qui ne vous correspondront jamais mais avec qui vous finirez tant bien que mal à vous habituer. Ils auront votre personnalité et, à leur contact, les clients auront le sentiment d’être entre de bonnes mains, de transiger avec quelqu’un en qui ils ont pleinement confiance.

Un entrepreneur qui reconnaît et accepte la réalité du développement numérique est un atout majeur qui contribuera à une croissance et une gestion mieux contrôlée.

Prenons l’exemple d’une PME de 15 employés. Leur problématique était que seul le propriétaire était en mesure de faire des soumissions, et chacune lui prenait environ 45 minutes. Reconnaissant l’impasse qui le minait, cet entrepreneur décida d’approcher des aides paragouvernementales pour aider à financer sa solution numérique.

Le changement est de taille et le processus requiert patience et ouverture d’esprit. Après des mois de développement de sa solution numérique, il a été capable de former une assistance à son logiciel de soumission et cela lui prend en moyenne 10 minutes par soumission. Rien n’est parfait, mais cette PME a redonné un souffle déterminant à la productivité de sa production. Pour sauver sa PME, il a pris le risque d’investir dans le numérique. Dans son cas, c’était un bon choix.

À retenir : L’intégration du numérique n’est pas un long fleuve tranquille. Ne laissez pas la frustration et l’inconfort de ce monde inconnu vous laisser passer à côté de solutions qui auront le potentiel d’ensoleiller le quotidien.