#7 Ne pas tuer une mouche avec un bazooka

Je hais les mouches, leur vol est une aberration, une dérision du vol - à quoi bon voler, d'ailleurs, quand on sait marcher au plafond ? - Le vaillant petit tailleur (2004) de Eric Chevillard

Avez-vous lu l'histoire du vaillant petit tailleur ? Dans ce conte des frères Grimm, un petit tailleur ne se prend pas pour un autre mais est fier de tous ses accomplissements. Par exemple, un jour, il se prépare à manger une tartine de marmelade, mais elle attire les mouches. Le tailleur, excédé, frappe dans le tas avec une pièce d'étoffe et en tue sept d'un coup. Pour marquer cet exploit, il se fabrique une ceinture sur laquelle il brode les mots : "Sept d'un coup". Stimulé par son haut fait, il part dans le monde, décidé à relever tous les défis. Il part avec, en poche, seulement un fromage et un oiseau.

Au cours de son périple, il devra se battre avec des plus grands et des plus forts que lui. Mais à chaque fois, à force de ruse et d'intelligence, il viendra à bout de ses adversaires. Pour ce faire, il utilisera des outils à sa portée. Des outils que ses adversaires trouveraient souvent ridicules.

Y a-t-il des mouches dans votre entreprise ? Vous savez, ces petites bestioles qui nuisent à la quiétude et qui empêchent de se concentrer sur ce qui importe. En voici quelques-unes :

C'est bien trop, vous dites-vous. En effet, que ferez-vous de lui une fois le litige réglé ? Combien vous aura-t-il coûté ? N'aurait-il pas mieux valu que vous ayez recours à un avocat externe ou que vous ayez appelé ce fournisseur ?

C'est la même chose pour l'équipe des ventes qui n'est pas à la hauteur. Vous pourriez décider, sur un coup de tête, de mettre tout le monde à pied et de repartir avec une toute nouvelle équipe. Mais serait-ce bien sage ? Dans ces deux exemples, on a choisi un bazooka pour tuer une mouche mais, ce faisant, il y a eu des dommages collatéraux. Il y a d'abord ce mur qu'il faudra replâtrer. Il y a les dégâts causés chez le locataire d'à-côté. Et de plus, le trou que vous venez de faire dans le mur permettra à d'autres mouches d'entrer chez vous…

Il aurait mieux valu que vous vous dotiez d'un tue-mouche. Un programme de formation personnalisée pour vos vendeurs déjà en place, par exemple. D'autant qu'ils connaissent déjà vos produits et services.

Il en va de même en ce qui a trait à la technologie. Trop souvent, parce qu'on ne définit pas suffisamment nos besoins, on choisit une solution qui ne nous va pas. On souhaitait par exemple améliorer les réponses aux appels téléphoniques pour une PME et on achète une suite complète qui nous permettra de faire une centaine d'autres choses mais qui nécessitera un serveur digne d'une grande entreprise. Pour mieux traiter les appels téléphoniques, on aura hypothéqué une partie des liquidités de l'entreprise et on aura accès à des fonctionnalités qui ne font pas encore partie de nos besoins.

Le mot clé, ici, c'est la précision. Vous avez un problème à régler. Partez à la recherche d'une solution qui vous permettra de le régler sans imposer à vos employés un tableau de bord dont ils ne sauront pas quoi faire. Ça ne sert à rien de voir trop grand. Ce qu'il faut, c'est partir petit et optimiser nos outils au fil du temps. En période de croissance, les besoins financiers sont grands et il ne sert à rien d'investir plus que nécessaire.

Il y a des entreprises qui ont investi des fortunes dans des logiciels et qui, des années plus tard, payent encore pour les adapter à leur situation particulière. Ça arrive même aux gouvernements de se lancer dans des projets pharaoniques. Pourquoi ne pas y aller petit à petit et ainsi répondre aux besoins en cours.

En grandissant, votre PME vous communiquera d'autres besoins que vous pourrez régler de la même manière et, un bon jour, vous pourrez rassembler toutes ces merveilles dans un tableau de bord fait pour vous et que votre personnel maîtrisera déjà. Vous aurez avancé pas à pas sans payer pour des fonctionnalités dont vous n'aviez pas besoin et, au fil du temps, vous serez venu à bout de 15 à 20 mouches qui vous ennuieraient peut-être encore si vous vous étiez procuré une solution globale, complète et peu adaptée à vos besoins véritables.

Cela implique de développer une capacité à faire face aux problèmes en se demandant ce qui ne va pas. Pour ce faire, il faut amasser l'information, tenter de comprendre ce qui se passe, faire la liste des solutions potentielles et choisir celle qui est optimale compte tenu des impacts potentiels de chacune.

Par exemple, une chef d'entreprise a découvert que son équipe des ventes étaient minées par une personne négative dont l'humour nuisaient au mieux-être du personnel. Le simple fait de lui suggérer d'aller relever d'autres défis ailleurs a suffi pour que les autres vendeurs atteignent leurs objectifs. Mieux vaut s'attaquer aux problèmes qu'aux symptômes.

C'est petit à petit que l'on relève les défis. Il est possible que vous n'y trouviez pas votre compte si vous magasinez des solutions préfabriquées qui dépassent vos besoins et vos budgets. Dans ce cas, vous risquez d'abandonner et de continuer, "en attendant", de supporter des mouches qui n'ont pas leur place dans votre PME.

Vous connaissez vos mouches et vous avez appris à vivre avec, comme les vaches dans les champs. Or la vache n'a pas le choix, elle n'a pas de moyens pour les éloigner. Vous, en tant qu'entrepreneur, avez les moyens nécessaires mais la raison pour laquelle vous endurez leur présence est simple, il n'est pas si facile de s'en débarrasser. Il faudra vous entourer de conseillers, d'experts, de spécialistes qui vous éclaireront sur des solutions afin de répondre adéquatement aux problèmes et aux inconforts que présentent ces mouches au quotidien. Ne soyez pas pressé, prenez votre temps d'étudier les options et peser, seul ou avec votre équipe, les pours et les contres avant de vous engager. Une fois le processus abouti, ces mouches seront de l'histoire ancienne mais ne vous y méprenez pas, de nouvelles mouches apparaîtront et il faudra aussi y remédier.

Limitez-vous à l'essentiel, il est déjà bien suffisant. Pensez et agissez en termes de phase : phase 1, 2, 3 etc… et souvenez-vous que rien ne sert de parler de la phase 2 quand il est encore question de s'occuper de la phase 1.